Il retrouve le 8 septembre, au café Riche sur la Canebière, son ami Siegfried Kracauer, rédacteur pour le supplément littéraire du Frankfurter Zeitung. Ils font la connaissance de Jean Ballard, directeur des Cahiers du Sud et visitent les bureaux de la revue au 10 quai du Canal.
Marseille est alors une ville dont les faubourgs s’industrialisent, l’électricité s’y déploie. Un réseau de tramways électrique traverse la ville du nord au sud. Derrière le palais de la Bourse, en plein centre-ville, un quartier insalubre a été rasé pour des raisons sanitaires, laissant place pendant un demi-siècle à un immense terrain vague.
Walter Benjamin traverse sans doute cette place vide après avoir retiré son courrier en poste restante rue Colbert. Cette ville exubérante où le commerce des marchandises côtoie celui des prostituées est la porte de l’Orient d’où Benjamin envisage d’embarquer pour la Palestine. Ce projet de départ sera maintes fois repoussé…et finalement abandonné.
Kracauer rédige La baie et le carré, l’observation d’une petite place à côté du quartier du Panier et inscrira le dernier chapitre de son roman Ginster dans les rues autour de La Canebière. Benjamin, lui se confronte à la difficulté d’écrire sur Marseille.
Une fois revenu à Berlin, Il écrit à Kracauer avoir réussi la rédaction de « quatre petites miniatures ». Des fragments se retrouveront dans Sens Unique dont la transformation de la Cathédrale de la Major à côté du port de la Joliette en « gare de religion ». Deux ans plus tard, il avouera avoir arraché de haute lutte l’image de pensée Marseille, le portrait qu’il consacre à la ville.
Le pont-transbordeur symbolise Marseille et sa modernité. L’immense ouvrage de métal apparaît sur la couverture du livre Construire en France de Siegfried Giedion qui aura une grande influence concernant les idées sur l’architecture de Benjamin. La maquette de ce livre est réalisée par le photographe, graphiste et peintre Laszlo Moholy-Nagy qui réalisera ici son premier documentaire filmé : Marseille vieux-port.
Après un séjour dans le Var, Walter Benjamin repasse par Marseille le 30 septembre 1926 et y retrouve Jean Ballard pour la deuxième fois.
Le 18 mars 1927, un texte de Benjamin publié dans Die Literarische Welt raconte l’atmosphère de travail aux Cahiers du sud. Cet article témoigne du premier contact avec Jean Ballard qui aura la clairvoyance de publier Benjamin alors que celui-ci semble isolé au sein de l’intelligentsia française et en particulier parisienne. Il produit loin de Paris cette revue « éminemment européenne » attentives aux littératures étrangères et aux avants-gardes.
Le 24 avril 1927, le président de la République française Gaston Doumergue inaugure à Marseille une série de grands travaux : les escaliers monumentaux de la gare Saint-Charles, le monument aux morts de l’armée d’Orient et le lendemain le tunnel du Rove.